« Et là je comprends pourquoi j’ai fait tout ça »

Le plus grand. Tout simplement. A la maison, Teddy Riner est devenu triple champion olympique des plus de 100 kilos. Aucun judoka, qu’importe la catégorie, n’a gagné plus de titres, ou de médailles, que lui.

 

Le Champ-de-Mars a tremblé sous les pas d’un géant accomplissant sa quête d’éternité d’un ippon magistral asséné à son dernier adversaire. Devant un public – « son » public – en transe, Teddy Riner est devenu triple champion olympique de judo. Il égale, à l’opposé du spectre des catégories, le super-léger Tadahiro Nomura. Mais à ses trois titres Teddy ajoute quant à lui deux médailles de bronze, pour ses débuts olympiques à Pékin en 2008 puis à Tokyo en 2021, ainsi que de l’or dans l’épreuve par équipes instaurée il y a trois ans au Pays du Soleil Levant. On récapitule, pour le plaisir : bronze en 2008, or en 2012, or en 2016, bronze et or par équipes en 2021, pour retrouver l’or individuel en 2024, cela fait donc cinq Jeux Olympiques de suite que Teddy Riner monte sur (au moins) un podium, pour un total de six médailles. Qualité, quantité, longévité : tout y est. Entretien à chaud avec le plus grand des judokas.

« Qu’est ce que cela vous procure d’avoir cette médaille autour du cou ?

Elle fait du bien. C’est de la fierté, de la joie, une explosion de sentiments. Cette médaille d’or, j’en ai rêvé, j’en ai cauchemardé aussi. Elle est le fruit de longues heures de remise en questions, de prises de tête, d’entraînements difficiles… Et là je comprends pourquoi j’ai fait tout ça. Cela valide toute la stratégie mise en place dans ce but, le fait de m’être entouré des bonnes personnes autour de moi…

Vous terminez cette finale sur ippon, une image qui deviendra sans doute iconique. C’est le dénouement rêvé ?

Depuis le temps que je voulais une belle finale olympique comme ça ! Je suis content de l’avoir eue. Cela fait du bien quand ça se passe comme ça. Le début de journée était tendu. Il y a toujours un peu de doutes quand on se lance dans un tournoi. Le combat contre le Géorgien (Guram Tushishvili, ndlr) en quarts était tendu aussi. Ça l’est toujours entre nous ! Mais je peux comprendre sa réaction à la fin, sa frustration de réaliser qu’il ne sera pas champion olympique. Il n’y a aucun problème. Du moment qu’elle est là (il désigne sa médaille) ! Quoi qu’il arrive durant mes combats, je me suis astreint à rester concentré, à garder la bonne stratégie. Je suis toujours resté dans l’attaque, dans l’initiative, dans la ligne de ce qu’on avait défini avec mon entraîneur.

Cela fait donc huit ans qu’on me répète que si je gagne la troisième médaille d’or olympique, je rentre dans l’histoire de mon sport. 

Vous avez conscience de ce que représente ce troisième titre individuel dans l’histoire du judo ?

Je sais que je marque l’histoire, oui. On m’en parle depuis… depuis que j’ai gagné les Jeux de Rio de Janeiro, en fait. Cela fait donc huit ans qu’on me répète que si je gagne la troisième médaille d’or olympique, je rentre dans l’histoire de mon sport. Chaque médaille obtenue au fil des années a eu son poids dans la balance pour faire aujourd’hui de moi le judoka le plus titré. Je suis fier de détenir ce palmarès, et d’avoir décroché la troisième chez moi, à la maison. Cette sensation à la fin, quand je me tourne et que je vois ma famille, mes amis, ce public formidable… C’est indescriptible. Derrière, tu réalises tout doucement, par vagues successives. L’émotion partagée avec les proches, la cérémonie de remise de médailles, la Marseillaise, le passage devant la presse… C’est à chaque fois un niveau de plus dans la prise de conscience.

Ce titre vous donne envie de rempiler en vue des Jeux de Los Angeles ?

Déjà (rires) ? Pourquoi pas viser la quatrième mais on verra en temps voulu. Là, pour l’instant, je vais déjà profiter de celle-là, savourer avec mes proches, prendre des vacances aussi... Mais ce serait top d’y être. »

© CNOSF/KMSP

L’œil de…

Christian Chaumont, son entraîneur

« Teddy était tendu ce matin. Il entre dans sa compétition et il sait que la France entière l’attend, c’est dur de rentrer dans un chaudron, une arène comme celle-là, pour aborder l’échéance pour laquelle tu te prépares depuis quatre ans. Tu n’as pas droit à l’erreur, tu sais qu’en judo ça peut aller vite, et tu es un peu sur la réserve. Je pense que le Géorgien l’a relancé. Ce combat a fait office de déclic. Teddy a recommencé à parler, pas juste me répondre « oui, oui, oui ». Je lui ai fait remarquer, d’ailleurs, et il a souri (…) Avec Teddy, on a fait trois JO ensemble : Londres, Rio et Paris. Trois médailles d’or ! Il vient d’écrire l’histoire du judo. »